Le temple d’Osiris Coptite – Rapport 2009 (Fr. Leclère)

La troisième campagne de fouilles du temple d’Osiris Coptite, dans la zone nord-est du téménos d’Amon à Karnak, s’est déroulée du 2 mars au 30 avril 2009 sous la direction de François Leclère . Le programme de cette année a été partagé en deux phases, l’une de terrain et l’autre en magasin.

Vue générale de la façade du temple d’Osiris Coptite (© Cnrs-Cfeetk/J.-Fr. Gout, 128318).
Fouille
a. Le temple ptolémaïque et romain d’Osiris Coptite

Les fondations de la construction ont été examinées dans deux secteurs de la cour du temple : La tranchée de fondation des murs de celle-ci, mieux préservée du côté est, a livré de nouveaux éclats inscrits provenant du ravalement des blocs de remplois ainsi qu’une statuette de babouin acéphale en faïence, vraisemblablement réutilisée, à l’angle nord-est, comme dépôt de consécration. La grande porte d’accès a également été partiellement fouillée montrant que les montants de celle-ci reposent sur un épais radier sableux, et que la tranchée de fondation a été comblée par plusieurs assises de briques crues puis par des remblais argilo-sableux séparés de couches d’éclats de grès. Les bases des deux montants étaient reliées par une épaisse maçonnerie indépendante de blocs de grès, percée au-delà de sa base par une profonde fosse de pillage, clairement motivée par une « chasse au trésor » après l’abandon du monument.

Statuette de babouin trouvée à l’angle nord-est des fondations de la cour du temple (© Cnrs-Cfeetk/J.-Fr. Gout, 128357).

Contre la façade sud du temple, quelques blocs effondrés subsistant du bourrage central de la rampe d’accès axiale, ont été évacués, confirmant la présence, dans les murets latéraux, de remplois provenant d’une corniche inscrite au nom de Nitocris, et révélant les vestiges d’une structure peut-être antérieur à la seconde phase de construction du temple, comportant un bloc remployé d’un montant de porte de Psammétique Ier.

Le nettoyage du côté ouest de la rampe a montré que le niveau de sol du parvis occupé par la colonnade de Taharqa était plus élevé à l’époque ptolémaïque qu’à la XXVe dynastie (et que depuis les nivellements opérés par Georges Legrain et Henri Chevrier) – au moins au-dessus de la surface supérieure des bases de colonnes de la colonnade de Taharqa. Le dénivelé entre le parvis et le seuil du temple était donc plus faible que ce que suggère la topographie actuelle. Certains indices conduisent également à suggérer l’existence possible d’une colonnade antérieure à celle de Taharqa sur le parvis.

Fouille de la grande porte d’accès. Tranchée de fondation et fosse de pillage (cl. Fr. Leclère).

À l’est de la rampe, la base de l’épaisse maçonnerie de briques crues formant la façade du temple d’Osiris a été atteinte dans un sondage. Haute d’une dizaine de mètres à l’origine, cette muraille devait marquer de manière imposante, entre l’ancienne enceinte du grand temple d’Amon et la grande enceinte du IVe siècle av. J.-C., la limite nord du parvis du Temple de l’Est et ne laissait voir du temple d’Osiris que sa grande porte d’accès accessible par une rampe.

Contre la paroi nord du temple, outre quelques éclats inscrits supplémentaires, de nouveaux blocs de remplois inscrits, la fouille a permis de découvrir près de l’angle nord-est un lot d’une vingtaine de fragments d’objets en bronze, provenant pour l’essentiel de statuettes osiriennes parfois de grande taille. Comme le babouin de faïence retrouvé dans la cour, ce lot correspond clairement à un dépôt de consécration mis en place à la fin de la construction du sanctuaire.

Fragments de statues de bronze provenant du dépôt de consécration trouvé près de l’angle nord-est du temple (© Cnrs-Cfeetk/J.-Fr. Gout, 128363).
b. À l’est et au nord-est du temple
Vue générale du secteur à l’est et au nord-est du temple, depuis l’est. Arasement de l’enceinte bastionnée du Nouvel Empire (cl. Fr. Leclère).

À l’est, le dégagement de l’arasement de l’épais tronçon est-ouest d’enceinte bastionnée du Nouvel Empire, sur lequel le temple d’Osiris a été achevé. L’angle nord-est du bastion nord de cette muraille, dont la raison d’être est probablement liée aux phases initiales du Temple de l’Est et de son parvis, a pu être repéré en dépit de défoncements modernes liés à la pose de canalisations traversant le secteur de part en part du nord au sud.

Au nord-est, en dépit des nivellements radicaux opérés dans la zone par Henri Chevrier, un sondage contre la grande enceinte a confirmé l’existence d’une importante surélévation de terrain au nord du temple d’Osiris, dans laquelle celui-ci s’encastrait. Vraisemblablement liée au Tombeau d’Osiris, mais aménagée dès avant la XXXe dynastie, cette « butte » a été retaillée, au moment de la construction du sanctuaire ou de son extension sous Ptolémée XII, et pourvue d’un long parement de briques crues contre lequel s’adossent ses fondations.

Secteur à l’est et au nord-est du temple, depuis le nord-ouest. Tranchée de fondation de la grande enceinte de Nectanébo (cl. Fr. Leclère).
c. À l’ouest et au sud-ouest du temple
Secteur à l’ouest du temple d’Osiris Coptite, contre l’ancienne enceinte d’Amon (cl. Fr. Leclère).

Au sud-ouest, dans la zone de contact entre la façade en briques crues du temple d’Osiris et l’ancienne enceinte du grand temple d’Amon, au nord du Temple de l’Est, la fouille a permis d’avancer dans la compréhension de l’articulation chronologique des différentes constructions dans ce secteur, rendue particulièrement confuse par les dégagements radicaux des années 1950 : l’enceinte d’Amon du Nouvel Empire, encore partiellement visible, a été en grande partie retaillée, arasée et reconstruite à l’époque ptolémaïque, avant ou pendant le règne de Ptolémée VIII, aux abords du parvis du Temple de l’Est. Cette réfection ne présente pas l’aspect d’un pylône, comme on le voit souvent écrit, mais bien celle d’une courtine à redans et saillants bâtis en assises courbes. Le niveau de sol du parvis étant plus élevé à cette époque (cf supra, secteur de la rampe), les assises de grès sur lesquelles elle a été fondée n’ont été rendus visibles que par les dégagements modernes. Clairement alignée sur l’extrémité nord de cette fondation de pierre et sur le redan qui la surmonte, la façade du temple d’Osiris, dans sa phase d’extension sous Ptolémée XII, a scellé l’ancien angle nord-ouest du parvis et les aménagements qui s’y trouvaient, notamment une niche voûtée ménagée dans le parement de l’enceinte.

Relevé architectural et épigraphique

Outre quelques compléments apportés au plan des structures de pierre et de briques, le relevé architectural a été essentiellement consacré aux coupes et élévations des parois dans le sanctuaire. Les relevés des inscriptions en place de Ptolémée XII et de Tibère, des blocs remployés de la XXVe dynastie encore en place dans la maçonnerie du temple, et de la plupart des blocs épars entreposés sur des banquettes ont été complétés, y compris pour ce qui concerne les nouveaux monuments découverts cette année. La vectorisation de l’ensemble de cette documentation est en cours. La documentation photographique des inscriptions a également été complétée.

Étude du matériel

La seconde partie de la mission a été consacrée à l’étude du matériel entreposé dans le magasin de la Porte d’Évergète. L’ensemble du matériel céramique mis au jour lors des trois campagnes a été trié et lavé et une première analyse sommaire des formes et des pâtes a été entreprise. Un magasin spécifique destiné à regrouper le matériel céramique relatif à la zone osirienne du nord-est a pu être aménagé sous la Tribune du Son et Lumière.

Les petits objets ont été reconditionnés et les fragments de blocs inscrits relevés et rangés sur des étagères bâties l’an passé. Objets et fragments ont été intégralement photographiés et la documentation des trouvailles, informatisée dans une base de données FileMaker, a été complétée et vérifiée.

Restauration

Le programme de consolidation et de restauration, commencé l’an passé, des blocs épars entreposés sur les banquettes de ciment, a été poursuivi cette année. Le travail a été quasiment achevé notamment pour l’ensemble des blocs inscrits mais doit encore être complété pour ce qui concerne plusieurs éléments d’architecture, notamment des fragments de tambours et de chapiteaux de colonnes fasciculées, particulièrement dégradés par un long séjour en pleine terre avant notre intervention.

Surplombant une partie de la zone fouillée, l’extrémité nord du mur moderne de briques crues joignant les vestiges de la grande enceinte et la grande porte de l’Est a dû également être rebâtie.

En magasin, quelques petits objets et fragments de blocs ont fait également l’objet de consolidations mais le travail a surtout été consacré à un premier nettoyage des éléments de bronze provenant du dépôt de consécration mis au jour à l’angle nord-est du temple et à la mise au point d’un projet de restauration de ces objets.

Formation

Comme lors des deux années précédentes, cette campagne a été l’occasion d’initier aux bases des techniques de terrain et de documentation archéologiques (fouilles, relevé, enregistrement du matériel, tri céramique, dessin épigraphique, etc.) trois étudiants de l’Université de la Sorbonne – Paris IV et trois inspecteurs égyptiens du Conseil suprême des antiquités.

François Leclère