« Karnak des origines ». Fouilles dans la cour du Moyen Empire et le temple primitif de Karnak

Directeurs du programme « Karnak des origines » / Directors of the project:
Luc Gabolde (CNRS-CFEETK, co-director), Ahmed El-Taher (MoTA-CFEETK, co-director)

Membre de la mission / Mission members :
Matthieu Vanpeene (CNRS-CFEETK, architect-archeologist), Sylvie Marchand (IFAO ceramologist), Florie Pirou (CNRS draftwoman), Abdulrahman Nussair (Architect-archeologist) and the team of restorers and photographers of the CFEETK

Collaboration institutionnelle :
CFEETK (MoTA – CNRS, UAR 3172), Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE – France)

Numéro opération CFEETK : OP191

Présentation / Summary

Le temple primitif / The primeval temple

L’existence, à Karnak, d’un temple dédié au dieu Amon-Rê est attestée depuis le Moyen Empire par une colonnette au nom d’Antef II (XIe dynastie, vers 2150 av. J.-C.) découverte en 1984 au sud-ouest de la « cour du Moyen Empire » et exposée au musée de Louxor. Ce temple fut reconstruit et agrandi plusieurs fois pendant la XIe et le début de la XIIe dynastie et les fondations en grès et en calcaire de ce temple primitif sont encore visibles aujourd’hui à l’ouest de la cour.

Column of Antef II discoverd in 1984 (© CNRS-CFEETK)

The existence of a sanctuary dedicated to the god Amun-Ra is attested from the Middle Kingdom onwards thanks to a column of Antef Il (XIth dynasty, around 2150 BC) discovered in 1984 south-west of the Middle-Kingdom courtyard and now on display in the Luxor Museum.  The temple was several times rebuilt and enlarged during the XIth and the early XIIth dynasties.
It is the sandstone and limestone foundations of this primeval temple which are still visible nowadays west of the court.

Karnak temple and the Middle Kingdom courtyard (© CNRS-CFEETK)
View of the excavations undertaken in the Middle Kingdom courtyard, with at the front the sandstone foundations of the primeval temple of Karnak, as seen by J. Lauffray.

Le temple de Sésostris Ier / The temple of Senusret I

Sésostris Ier entreprit ensuite d’entourer et de recouvrir la plateforme en grès constituant les arases de ce temple antérieur en bâtissant un large radier de calcaire sur lequel se dressait son temple quatre fois plus grand. Il était orné en façade d’un portique à piliers osiriaques du roi. Quatre seuils de granit avec des éléments des jambages de Sésostris Ier en jalonnent l’axe et constituent les seuls restes subsistant aujourd’hui en place. Ils marquaient la séparation des espaces : une cour et trois pièces successives. Le naos en bois doré de la statue du dieu reposait sur un socle de calcite (retrouvé non loin et reconstruit, à tort, sur l’axe) et qui était primitivement orienté nord-sud. Dès ses origines, le temple a été orienté sur le point où se levait le soleil au solstice d’hiver, le point visuel de contact entre le monde céleste et divin et le monde terrestre et humain, marquant par là la dimension solaire du nouveau dieu dynastique de Karnak, site permanent de l’épiphanie divine.
Le temple de Sésostris Ier, bâti en calcaire de Tourah avec des portes en granit rose d’Assouan a constitué le coeur très sacré de Karnak jusqu’à la fin de l’histoire pharaonique, seul le portique d’accueil, sans doute endommagé, avait été supprimé par Hatchepsout lors de la construction de ses salles de culte. On fit alors reproduire à l’identique, sur leur mur sud, le décor de Sésostris Ier qui avait été amputé et qui représentait le roi siégeant sous son dais avec le début du grand récit de refondation du temple. Ce sont les chaufourniers du Moyen Âge qui firent disparaître la plus grande partie de l’édifice et de son radier de fondation, ne laissant subsister que les éléments de grès, de calcite et de granit de la cour.
Dès le règne de Thoutmosis III, le temple de Sésostris, étant occasionnellement inondé lors de la crue et impraticable, le culte d’Amon fut transféré dans l’Akhmenou de Thoutmosis III, situé directement à l’Est et qui reproduisait en les accroissant des dispositions du temple du Moyen-Empire, à un niveau plus élevé.

Restitution hypothesis of the osirid-pillared facade of the Senusret Ist’s temple by D. Arnold.

Senusret I (XIIth dynasty, ca. 1960 BC) then included these foundation remains of the early temple into the four times larger foundation masonry of his own new temple. This last was preceded by a pillared portico adomed with 12 osirid representatians of the king. Four granite thresholds, with remains of granite door jambs, represent its last surviving remains still visible in situ. They marked the spatial distribution of a court and three successive rooms. The gilded wooden naos, containing the cult statue of the god, was Iying on a calcite pedestal (recovered near but wrongly replaced on the axis) and was originally oriented North-South. The temple was from the very beginning oriented towards the sun shine at winter solstice, i.e. the visual contact point between the celestial divine sphere and the earthly human world, figuring sa the fundamental solar dimension of the new dynastic god of Karnak, permanent site of the divine epiphany.
The temple of Senusret I, built in Turah limestone with Asswan red granite doors, represented the sacred core of Karnak’s complex down to the end of the pharaonic times. Only the facade portico, probably damaged, had been suppressed by Hatshepsut when she built her cult suite to the west. It was then necessary to identically reproduce the amputated decoration in the name of Senusret I on it’s south wall : a representation of the king in audience on his throne under a dais with the beginning of a long record text on the temple’s new foundation. In the Middle Age, the lime makers provoked the disappearance of almost all the limestone superstructures, leaving on the site only sandstone, calcite and granite elements.
From the reign of Thutmose III onwards, as Senusret I’s temple occasionally flooded was then unsuitable for the daily rituals, the cult of the god was transferred to the Akhmenu located immediately to the east and which reproduced higher and on a larger scale the Middle Kingdom’s architectural arrangements.

Remains of the southern decoration of the portico of Senusret I (left) and of its replacement made by Hatchepsout (right) (© CNRS-CFEETK)

Travaux archéologiques en cours / On-going archaeological operation (2020-…)

Afin de mieux connaître les origines du temple de Karnak, un nouveau projet de fouilles archéologiques (approuvé par le Comité Permanent en 2019) de la plateforme à l’ouest de la cour du Moyen Empire a été initié sous la direction de L. Gabolde.
Cette structure en grès, encore mal connue et peu mise en valeur, s’érode dangereusement à cause du nombre de touristes de plus en plus important se dirigeant vers l’Akhmenou. Si cette plateforme a été à plusieurs fois nettoyée, elle n’a jamais encore été systématiquement explorée. Elle est constituée d’une série de blocs remployés (dont des blocs en calcaire) qui devront être documentés. Ceci pourrait permettre de réunir de nouvelles informations sur les premières constructions religieuses du site de Karnak.
Les opérations consisteront en une exploration archéologique progressive de la plateforme accompagnée par une couverture 3D/orthophographique systématique. Secteur par secteur, les blocs seront déplacés, photographiés et documentés avant de retrouver leur emplacement d’origine. Les tranchés de fondation seront également explorées jusqu’au sol primitif.
Le travail a débuté au printemps 2020 et se poursuivra également jusqu’en 2021. Un pont en bois mobile et clôturé sera construit et déplacé progressivement afin de protéger et valoriser auprès des touristes la plateforme du temple primitif de Karnak.

In quest of Karnak’origins, the new archeological work (approved by the Permanent Committee in 2019 and led by L. Gabolde) is focused on the sandstone platform west of the Middle Kingdom courtyard. This structure is badly known, poorly highlighted, and finally severely eroded by intensive tourists frequentation. It has been several times cleaned but never systematically explored. It is constituted of several reused blocks which must be documented. They may provide information on the early religious building of the site.
The operation will consist in surveying and recording with orthophotos the present state. Sector by sector, the blocks will then be individually removed, documented, photographed and studied on all the faces before being repositioned in their original location. The foundation trenches will be also explored, down to the virgin soil. The operation will begin with the north-east corner in march 2020 and with continuation to other sectors in spring 2021. A wooden movable bridge with wooden fences will be built to protect the platform, to stop the damages and to canalize the visitors flow toward the Akhmenu.

Bibliographie :

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